GRIFFONNADE 213 : Maria Mouton et Célestin Freinet
Le 23 décembre 2013, j'assistai aux funérailles de Maria Mouton.
Je n'ai rencontré cette femme (née en 1920) que deux fois. La première à l'initiative de sa fille qui souhaitait notre rencontre. Maria Mouton fut institutrice, son mari instituteur. Deux personnes qui partagaient une haute idée de leur mission éducative et du sens à donner à l'existence. Proches de Célestin Freinet, ils initièrent et développèrent cette pédagogie "active". Ils intriguèrent leurs collègues et inspecteurs. Catholiques, ils tenaient aux valeurs laïques, ce qui, à l'époque, tenait de la prouesse. A cinquante-cinq ans, dit-elle, alors que nous étions en pleine forme et en pleine possession de notre savoir-faire, on nous remercia. J'ai désormais passé plus de temps en retraite qu'en classe ! A quatre-vingts ans elle se forme aux usages d'Internet, ouvre un blog qu'elle arrêtera des années plus tard car répondre aux messages quotidiens me prenait trop de temps. Elle affirme vouloir garder notre pensoir alerte. En 1997, elle écrit : Dieu m'a quittée. Tout simplement, tout bêtement à coups de langage faux, de contes de fée tellement maladroits qu'à un moment on s'aperçoit qu'on ne peut plus croire au père Noël. Et puis, ailleurs : Je crois que ma vieillesse est la meilleure partie de ma vie.
A notre première rencontre, elle raconte cette anecdote : J'avais en classe maternelle deux petits garçons qui s'entendaient très bien. L'un était noir, l'autre blanc. Ce dernier ne cessait de parler à la maison de son grand copain. Les parents, entendant leur bambin prononcer le prénom africain de son camarade, demandèrent : - Mais dis donc, il n'est pas noir, ton copain ? - Je ne sais pas, je lui demanderai demain.
A notre seconde rencontre, comme je confie à Maria Mouton que je sème cette anecdote ici et là, elle sourit et conclut : Continuez, c'est par de petites histoires de cette sorte que l'on peut penser et changer les choses.
Voilà, je continue, Madame...
Cliquons sans vergogne...