GRIFFONNADE 405 : Je m'encabane avec... (22)

Blanc ou noir ? 

Dos contre un mur ensoleillé,  je feuillette Le miroir des idées de Michel Tournier. 

Introduction. "Ce petit traité part de deux idées fondamentales. la première pose que la pensée fonctionne à l'aide d'un nombre fini de concepts-clés, lesquels peuvent être énumérés et élucidés. la seconde admet que ces concepts vont par paire, chacun possédant un "contraire" ni plus ni moins positif que lui-même."  Je feuillette au hasard : Le plaisir et la joie ; La cave et le grenier ; La droite et la gauche ; Le soleil et la lune ; La fourchette et la cueiller ; La chat et le chien ; Le sucre et le sel ; La santé et la maladie...  

En levant le nez des pages j'aperçois - facétie désormais habituelle - Michel Tournier qui m'observe, sourire en coin. Je souhaite qu'il parle le premier. S'il le devine, il s'en amuse : Que voudriez-vous m'entendre dire ? Refusant de m'embarquer dans une phrase stupide de lecteur admiratif et de trébucher tous les deux mots, je lâche : Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris mais j'ai bien aimé votre livre sur la photographie, Le Crépuscule des masques. Pendant la lecture mon regard changeait, s'affinait, votre texte, vos commentaires me guidaient en quelque sorte... En quelque sorte, reprend-il, en quelque sorte... ? Mais de quelle sorte exactement ?

Mon embarras l'enchante. Vous trouverez dans le livre que vous tenez, une citation de Ingres à propos du talent et du génie. J'ai cité quatre facultés : le talent, il plaît, apporte succès et argent, on fête l'artiste qui en est pourvu et qu'on oubliera avec le temps ; le génie, la personne qui le reçoit se moque des applaudissements de la foule, de la reconnaissance présente, l'avenir saura lui imposer sa place ; le métier, c'est à dire le savoir-faire nécessaire, l'habileté qui s'apprend le plus tôt possible et sous les conseils d'un maître ; quant à la débrouillardise, ce n'est la plupart du temps qu'un masque, de la poudre aux yeux, de l'esbrouffe qui donne l'apparence de l'art aux imbéciles, incompétents et bouffis d'orgueil.

Pause. Pour la photo je n'avais aucun talent, avoue-t-il. J'ai eu la chance de croiser le chemin de gens qui en avaient et parmi eux quelques-uns eurent du génie. Ce que j'ai appris , c'est à  regarder leurs images. Comme j'ai eu la chance d'écrire, j'ai commenté ces images. Parfois ce qui est dit d'une image fait signe. Un signe qui rend l'image compréhensible. Quelles images resteront-elles des jours que vous traversez ?

Et voilà Tournier, rajustant son bonnet, qui tourne les talons...