GRIFFONNADE 365 : Nemo
Le capitaine Nemo, personnage de Jules Verne, personne sans identité ?
Nemo, en latin, personne.
Une personne, mot sans masculin. Un personnage, mot sans féminin. Deux mots de même origine : persona, le masque porté par l'acteur.
"Ce personnage avait-il trente-cinq ou cinquante ans, je n’aurais pu le préciser. Sa taille était haute, son front large, son nez droit, sa bouche nettement dessinée, ses dents magnifiques, ses mains fines, allongées, éminemment « psychiques », pour employer un mot de chirognomonie, c’est-à-dire dignes de servir une âme haute et passionnée. Cet homme formait certainement le plus admirable type que j’eusse jamais rencontré. Détail particulier, ses yeux, un peu écartés l’un de l’autre, pouvaient embrasser simultanément près d’un quart de l’horizon. cette faculté - je l’ai vérifié plus tard - se doublait d’une puissance de vision encore supérieure à celle de nef land. Lorsque cet inconnu fixait un objet, la ligne de ses sourcils se fronçait, ses larges paupières se rapprochaient de manière à circonscrire la pupille de ses yeux et à rétrécir ainsi l’étendue du champ visuel, et il regardait ! Quel regard ! comme il grossissait les objets rapetissés par l’éloignement! comme il vous pénétrait jusqu’à l’âme ! comme il perçait ces nappes liquides, si opaques à nos yeux, et comme il lisait au plus profond des mers !... »
Un portrait dont la moitié s’attarde sur les yeux de cet homme. Un regard pénétrant, une vision hors du commun. Que voit-on d’un homme qui porte un masque ? Avant tout ses yeux. Nemo, le héros masqué par excellence, un acteur tragique jailli de l’océan, lieu de toute naissance, un voyant invisible, un solitaire dans l’immensité du grouillement naturel.