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GRIFFE DES MOTS
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8 février 2021

GRIFFONNADE 407 : Mot-valise

Unknown

MOT-VALISE : néologisme formé par la fusion d'au moins deux mots existants. 

Raymond Queneau imagine vertigénial ; Jacques Prévert crée explosition.

Notre époque se délecte d'emprunter ou d'inventer des termes pour farcir les phrases et engraisser les dictionnaires. Pendant des années, Daniel Pennac a tenu dans les pages du feu magazine Books (créé et dirigé par Olivier Postel-Vinay durant douze années) une petite rubrique, le Mot manquant. L'écrivain demandait aux lecteurs de lui indiquer quel terme, présent dans une langue étrangère mais absente de la nôtre, pourrait exprimer un objet, une action, un concept...

Numériser

L'idée, simple, donnait le goût des nuances. Sa dernière demande, dans l'ultime numéro 112 : quel mot désignerait le fait de faire preuve d'une franchise brutale, même désobligeante ? Prudent, il ajoute entre parenthèses qu'il n'y aura peut-être pas de prochain mot manquant... 

Oui, cher Daniel Pennac, vous en resterez là et le terme bothsidesism sera votre dernière trouvaille. Ce néologisme américain désigne "le fait de considérer que, sur un sujet politique sensible, les arguments des uns valent d'être présentés sur le même plan que ceux des autres. Le mot vise explicitement un travers de certains médias et journalistes." Mon peu d'anglais m'autorise à reconnaître qu'il s'agit d'un mot-valise (both + side). 

Qui sait que le terme informatique est un mot-valise ? Il est formé du substantif information et de l'adjectif  automatique

On utilise volontiers merdaille. Les deux mots dont il est issu sont reconnaissables. Le résultat amuse et l'usage en est d'autant plus spontané. 

Comment ne pas mémoriser sans peine le bibliobus qui mime de balbutier ou de bégayer avec ses trois b ? Il s'inscrit dans la lignée du vieil omnibus, mot latin signifiant "pour tous". En ajoutant -bus, la syllabe finale, à d'autres termes, on désignera par la suite des véhicules de transport en commun : autobus, trolleybus... Depuis, prononcer les trois lettres "bus" évoque un véhicule à usage collectif. Voici restobus,  Airbustoutes nos aubettes deviennent des abribus ! On rêverait de cinébus, apérobus... Mais que seraient  les astrobuspsychobus, sexobus, confinobus ? A vos crayons !

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Le franglais depuis longtemps ne pose aucun souci et a préparé le brexit (les latinistes furent étonnés mais enthousiastes)Aussitôt certains, pour des motifs qui leur appartiennent, ont créé le presque jumeau frexit. Sa trop grande ressemblance prête à confusion et son absence d'actualité ne lui attribue pas le même succès et propagation. Exit, verbe conjugué, à traduire par "il sort, elle sort, on sort", indique au théâtre qu'un personnage quitte la scène. Brexit ? Le pays britannique quitte la scène européenne. Le mot grexit apparut ici ou là... Parlerait-on de spexit s'il s'agissait de l'Espagne ? De germanexit ? Exit rappelle exil. Le verbe s'exiter (quitter volontairement l'Europe) doit sans doute tenter de se conjuguer chez les sceptiques. Bientôt le Petit Robert illustrera l'article consacré à ce verbe de la manière suivante : A l'âge de la retraite, Julien Monteclerc s'est exité de toute association sportive, professionnelle ou caritative pour se consacrer à l'apiculture, tel Sherlock Holmès, dit-il. 

La docufiction s'impose car l'abréviation de documentaire en docu règnait auparavant. Quatre syllabes où les mots d'origine restent visibles. Serait-ce un bon nombre à ne pas dépasser ? On connaît l'autofictionqui n'est pas une histoire de voiture. L'auteur longuement se narre. Le lecteur quelquefois se marre. 

La démocraturecontraction de démocratie et de dictature, fait l'amalgame de notions a priori opposées, contraires, dissemblables. Ce genre de mot-valise, comme adulescenceouvre la porte à l'imagination conceptuelle : monanarchie, sénilenfance, ...

mail

Les Québécois résistent au franglais en rejetant mail au profit de courrielMail existait dans notre langue avant la messagerie numérique. Un mail (diminutif, maillet) est une masse de bois fort dur, ferrée, munie d'un manche long et pliant. Il sert à pousser une boule de buis au cours du jeu nommé, lui aussi, mail (à l'origine du croquet et du golf). On nomma mail le lieu où le jeu se pratiquait. On nomma mail la promenade (le cours, l'avenue...) où l'on jouait au mail. Le centre d'Angers dispose d'un Jardin du mail.

Nos bons cousins préfèrent clavardage (du verbe clavarder, bavarder sur le clavier) à chat (du verbe anglais chatter, bavarder en abondance et sans cesse d'une manière plutôt relâchée). Par respect féline et par mimésnobisme (tiens, je m'y mets...) nous veiller à prononcer t'chat, car le t anglais se savoure du bout des dents. Curieux ce t'chat, petit écho de la tchatche, ce bagout volubile et enjôleur venu d'Espagne (chacharear, bavarder) et débarqué en France dans le bagage pataouète des rapatriés pieds-noirs

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Le journaliste François Busnel, animateur de LGL (La Grande Librairie) sur France 5, aime prononcer le verbe-valise divulgâcher. Histoire de contrer l'anglicisme spoiler (du latin spoliare, dépouiller, dévaliser, déposséder, ravir, ruiner...). Quand on présente des nouveautés dans le PML (Petit Monde des Livres) il est admis que divulguer le fin mot de l'histoire serait gâcher l'envie d'acheter puis de lire l'ouvrage. Petit grain de sel : relire les romans de P.D. James constitue un plaisir et profit - même en connaissant le bout du bout des dernières pages - car il s'agit de romans et pas uniquement d'énigmes, de problèmes policiers à résoudre. Combien de romans découvre-t-on avec passion après la vision d'une adaptation filmique révélant la fin !? Basta. Qui disait que le chemin importait plus que la destination ? 

Ce verbe, divulgâcher, figure désormais au Petit Larousse. Observons-le, si vous le voulez bien : DIVULGUER + GÂCHER = DIVULGÂCHER. Divulguer, c'est répandre dans la foule, dans le public, porter à la connaissance de tous ce qui était secret, lever le voile du mystère, donner la clef de tous les verrous. Le plâtrier gâche (malaxe) le plâtre avant de l'appliquer et le gâchera (gaspillera) si son geste n'est pas soigné. Divulguer trop tôt quelque chose peut gâter l'étonnement, la surprise, priver d'un effet singulier. Ne pas divulguer produit parfois de la déception, l'attente n'en valait pas la chandelle, la fumée était sans feu, l'espérance tombe. Tout çà pour... des clopinettes.

Divulgâcher reste une belle perle. Divulgâter est synonyme. Divulgoûter, antonyme.

Unknown

Nous remplirions des valises de ces mots-là. Valises pour voyager par monts et par vaux, en Francophonie, en Afrique  et atterrir au bout du conte dans notre terroir. Francophonie ? Notre langue vit en métrople et au-delà... Arrêt bref en Tanzanie. En contrée membre du Commonwealth, pourquoi donc ? Pour la seule et bonne raison que le nom de cet Etat, Tanzania, est ficelé à partir de Tanganyika et de Zanzibar.

Cela donne à penser. Souvenons-nous de la Tchécoslovaquie, fusion de la Tchéquie et de la Slovaquie

Retour en France. La création de nouvelles communes françaises par fusion conduisent à de nouvelles appellations. L'attachement toponymique ne favorise guère l'imagination. Le procédé du mot-valise reste de bien faible secours. Dommage.

Les administrations, comme les valoches, ne sont pas toujours diplomatiques.

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