GRIFFONNADE 406 : Vingt-et-unième année de ce vingt-et-unième siècle
Au seuil de cette année nouvelle,
en guise de souhaits et de remerciements,
voici, ci-dessous, un court texte de Tagore.
Chacun et chacune en feront leur miel, à leur manière.
Rapide et clair, le Jumna coulait dans la vallée, surplombé par la berge escarpée.
Des collines ombreuses et boisées, sillonnées de torrents, s’arrondissaient tout autour.
Govinda, le grand prédicateur sikh, était assis sur le roc et lisait les écritures, quand Raghunath, son disciple, fier de ses richesses, s’inclina devant lui en disant : « Je t’apporte mon humble présent, indigne d’être agréé. »
Et il posa devant lui une paire de bracelets d’or, ouvragés de pierres de grand prix.
Le maître en prit un, le fit tourner autour de son doigt, et les diamants lancèrent leurs éclairs de lumière.
Soudain le bracelet, glissant de sa main, roula le long de la berge jusque dans la rivière.
« Hélas ! » s’exclama Raghunath, et il sauta dans l’eau courante.
Le maître abaissa les yeux sur son livre, et l’eau, gardant et cachant ce qu’elle avait dérobé, continua son cours.
Le jour s’éteignait quand Raghunath s’en revint vers le maître, las et trempé.
Tout hors d’haleine il lui dit : « Je pourrais quand même le retrouver si seulement tu me montrais l’endroit où il est tombé. »
Alors le maître, élevant le bracelet qui restait, le jeta dans la rivière en disant : « Il est là. »
Rabindranath Tagore, La Corbeille de fruits.
(Traductrice : Hélène du Pasquier)