GRIFFONNADE 348 : Umberto Eco
Que lire ? Que dire ?
Umberto Eco, il professore, écrit essais et romans. Bien sûr on cite Le Nom de la Rose. Faute de l'avoir lu, on évoque le film de Jean-Jacques Annaud où brille Sean Connery. Adaptation cinématographique ? Non, un palimpseste ! On efface l'original et l'on recommence par-dessus un autre travail semblable et différent.
Suivront cinq romans foisonnants où le romancier offre en pâture des textes qu'il est possible d'interpréter à l'infini. Le sémiologue distingué jubile et persiste : autant de significations que de lecteurs. Il s'amuse et nous condamne à relire alla vita eterna.
Le pendule de Foucault (1988) ; L'île du jour d'avant (1994) ; Baudolino (2000) ; La mystérieuse flamme de la reine Loana (2004) ; Le cimetière de Prague (2010).
La sixième et ultime fiction Numéro zéro (2015) surprend par sa minceur. Beaucoup penseront qu'Eco s'épuise. L'engouement pour le parfum nouveau et initial de la Rose se serait évaporé un peu plus davantage à chaque livre. Hypothèse opposée : le maître italien parfait son art de produire une oeuvre ouverte. On ne fera pas l'économie de relire. On ne réduira jamais aucun de ses livres dans une critique définitive. On ne s'engagera pas dans un de ces six romans sans en traverser un second et ressortir d'un autre. Affirmation : aucune page d'Umberto Eco n'existe sans lecteur. Lapalissade ? La singularité d'Eco réside dans cette certitude que chaque lecteur récrit son récit à chaque relecture. Il n'écrit pas pour lui mais pour un lecteur inconnu.
Une citation... significative : "Parler toujours sérieusement cause de l'ennui. Plaisanter toujours, du mépris. Philosopher toujours, de la tristesse. Railler toujours, du malaise." (L'île du jour d'avant)
Un peu de sérieux, un soupçon d'humour, une pincée de réflexion, un brin d'ironie... sinon se taire ?