GRIFFONNADE 394 : Je m'encabane avec... (11)

De bonne heure, j'ouvre les volets. Un homme est là, les mains dans les poches.

Je connais ce visage mais ne l'identifie pas.

Il réclame du papier et des crayon à plomb. Je lui ramène du canson et quelques Staedler (H, HB et B). Il sourit, les prend sans un seul merci. Guère enclin à parler, mon visiteur...

Restez tranquille, m'ordonne-t-il. Il me dévisage et sa main se balade sur la feuille. J'entends la mine sur le grain du papier et  devine qu'il me tire le portrait. Les minutes sont lentes. Je ferme les yeux un bref instant. Quand je les ouvre, plus de bonhomme. Au sol, le matériel posé sur son travail. Une signature que je déchiffre : Paul Cuvelier. Cuvelier ! Comment oublier Corentin, Line, Flamme d'Argent, Wapi ainsi que l'étrange et magnifique Epoxy... ? 

Ce dessin, je l'ai posé verticalement contre les livres d'une étagère. Puis vais préparer le petit déjeuner. Dix minutes plus tard - j'aurais dû le prévoir - la feuille est blanche, totalement vierge.

Je relis Les Trois perles de Sa-Skya dessiné par Christophe Simon qui s'approche de bien près de la grâce de Cuvelier. Puis retourne feuilleter quelques pages de Wapi, le jeune indien qui monte les chevaux aussi bien que Paul Cuvelier les dessine. Oui, cette façon de raconter des histoires en vignettes alignées appartient à une époque révolue. Son académisme apparent agace ou rassure. Ce matin, néanmoins, je préfère la maîtrise d'un artiste passé aux maladresses d'un artiste contemporain. Paul Cuvelier, le seul à qui Hergé dit qu'il n'avait rien à lui apprendre, au contraire...